Florde MarĂa Valdez Arroyo ; Le travail de rĂ©sistance des femmes persĂ©cutĂ©es dans des situations de guerre : le cas de la Colombie Natalia Suarez ; Femmes persĂ©cutĂ©es en tant que femmes face Ă l’impossible protection juridique et politique dans leurs pays d’origine et en France Jean-Paul Mopo Kobanda
Enavril 1931, Marinus projette de se rendre en URSS, qu’il souhaite juger de visu. Pour financer ce voyage, il auto-édite des cartes postales qu’il compte vendre en chemin, et où il pose avec un camarade, poing levé, sur une photo accompagnée d’une légende en esperanto, néerlandais, français et allemand : « voyage ouvrier de sport et d’étude à travers l’Europe et la Russie
6La concurrence politique en Estonie, au lieu de suivre une logique « droite » - « gauche », suit pl ; L’Estonie a une position unique parmi les pays post-soviétiques. Elle a eu, de même que les deux autres pays baltes, que la Moldavie et que certaines autres régions occidentales de l’URSS, une histoire nationale antérieure à l’avènement de l’URSS de 1918 à 1939.
Lesfamines désastreuses, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, les camps de concentration ou de travail forcé, les purges et les assassinats politiques, les déportations de populations entières, l’invasion de pays voisins (la Pologne par l’URSS, le Tibet par la Chine), les exterminations de masse (les Khmers rouges ont
Cettechronologie est divisée en trois parties. La première développe la préhistoire des maoïsmes français, avec l'apparition des Amis du peuple chinois en 1934, ainsi que les prolégomènes, dans les années 1950, d'un engouement sinophile de la part de communistes et de compagnons de route, que l'on retrouve, quinze ou vingt ans plus tard, pour nombre d'entre
Catalogueen ligne CDI Lycée Marcelin Berthelot. CDI Lycée Marcelin Berthelot. A partir de cette page vous pouvez : Retourner au premier écran avec les étagères virtuelles Détail de l'auteur. Auteur Georges Nivat Documents disponibles écrits par cet auteur
Cxat7HU. Publié le 27/01/2015 à 0837, Mis à jour le 25/01/2019 à 1600 Prisonniers du camp de concentration de Dachau en Allemagne à la libération du camp le 29 avril 1945. Rue des Archives/©Rue des Archives/SPPS HISTOIRE - Entre l'été 1944 et mai 1945 les troupes soviétiques et les armées alliées font reculer la ligne de front et libèrent peu à peu les camps de concentration partir de l'été 1944, l'avancée des troupes soviétiques permet la libération des premiers camps de concentration nazis. Si les camps d'extermination de Treblinka, Sobibor et Belzec ont été complètement détruits par les Allemands dès 1943, d'autres camps de la mort offrent aux yeux sidérés des libérateurs un spectacle effroyable et jusqu'alors inimaginable. Il en sera de même pour les soldats américains et britanniques qui découvrent en avril 1945 le cauchemar concentrationnaire. Quelques dates à retenir24 juillet 1944 Majdanek, premier camp de la mort découvert par les RussesLe camp de concentration et d'extermination de Majdanek ou Maïdanek situé près de Lublin en Pologne est créé en 1941. Tout d'abord camp de travail forcé, il est transformé en 1943 en KZ Konzentration-Läger ou camp de concentration. Il accueille des prisonniers de guerre ou politiques polonais et soviétiques et des Juifs. À partir de 1942, chambres à gaz et fours crématoires entrent en fonctionnement pour une extermination en masse des prisonniers. Le 3 novembre 1943 dans le cadre de l'opération Erntefest» fête des moissons», Juifs du camp sont fusillés. Le nombre total de victimes de Majdanek est estimé entre et personnes dont à Juifs. Le 17 juillet 1944, les SS procèdent dans la hâte à l'évacuation du camp et à une destruction heureusement partielle des documents et bâtiments, ce qui permettra aux troupes soviétiques, accueillies le 24 juillet par quelques centaines de prisonniers rescapés, de mettre la main sur les preuves du processus d' novembre Libération de Natzweiler-Struthof en Alsace annexée par l'Armée américaineÀ lire aussiMars 1945 la barbarie nazie à l'œuvre dans le camp du Struthof27 janvier 1945 L'Armée Rouge entre dans AuschwitzLes troupes soviétiques qui entrent dans le camp d'Auschwitz ce 27 janvier 1945 ne savent pas encore qu'elles pénètrent dans le plus important rouage de la machine d'extermination nazie. Implanté près de la ville polonaise d'Oswiecim à partir de 1940, le complexe concentrationnaire est composé de trois camps principaux Auschwitz I camp de travail qui abrite les expériences du docteur Mengele, Auschwitz II ou Auschwitz-Birkenau et Auschwitz III ou Auschwitz-Monowitz. Le plus important et le plus tristement célèbre est Auschwitz II, camp d'extermination construit en 1941 qui compte quatre grands crématoriums avec chacun une chambre à gaz et des fours crématoires. En janvier 1945, à l'approche de l'armée rouge, les SS évacuent le camp entraînant des milliers de prisonniers dans les marches de la mort». d'entre eux, souvent malades, restent sur place jusqu'à l'arrivée de l'Armée rouge libératrice. Au moins 1,3 million de personnes ont été déportées à Auschwitz, 1,1 million dont Juifs y ont trouvé la février Libération de Gross-Rosen en Allemagne par l'Armée soviétique Infographie Le Figaro11 avril 1945 Buchenwald libéré par les troupes américainesLe camp de Buchenwald s'est ouvert dès 1937 en Allemagne près de la ville de Weimar. Les détenus sont en majorité des prisonniers politiques mais des Juifs, des Tziganes, et des asociaux» y sont également internés. Les détenus politiques prestigieux», comme Léon Blum ou Georges Mandel sont détenus à l'écart dans des conditions de confort incomparables. Le travail forcé, les expériences médicales, les mauvais traitements, la sous-alimentation et les exécutions sommaires sont le quotidien des hommes déportés à Buchenwald entre 1937 et 1945. d'entre eux y sont morts. Le 11 avril 1945, un noyau de prisonniers résistants réussit à prendre le contrôle du camp en partie évacué par les SS. Les soldats américains qui entrent dans le camp le même jour sont accueillis par détenus survivants mais terriblement affaiblis. Le même jour le camp de Dora-Mittelbau, proche de Buchenwald est également avril 1945 détenus délivrés à Bergen-BelsenPrisonnières du camp de Bergen-Belsen en Allemagne, après la libération du camp. Rue des Archives/©Suddeutsche Zeitung/Rue des ArcCamp pour prisonniers de guerre, Bergen-Belsen est ouvert en Allemagne en 1940 et intégré au système concentrationnaire nazi en 1943. Opposants politiques, Juifs, Tziganes, Témoins de Jéhovah, homosexuels, toutes les catégories de victimes de la doctrine hitlérienne sont présentes à Bergen-Belsen. À l'approche de la défaite allemande, le camp devient un véritable mouroir parce qu'il accueille les déportés évacués des camps proches du front, sa population passe de prisonniers en juillet 1944 à personnes en avril 1945. Le manque de nourriture, les structures insuffisantes, les épidémies qui se propagent font des ravages ; et aux milliers de cadavres entassés découverts par les soldats britanniques le 11 avril 1945 s'ajoute dans les jours qui suivent, la mort de anciens prisonniers malades et trop affaiblis. Au total, environ personnes sont mortes à Bergen-Belsen dont Anne Frank en mars avril Libération en Allemagne de Sachsenhausen par l'Armée Rouge et de Flossenbürg par les Américains29 avril 1945 Le premier camp de concentration nazi, Dachau, est enfin libéréCréé en 1933 en Bavière, Dachau est le premier camp de concentration du régime nazi. Il est à l'origine destiné aux prisonniers politiques allemands puis aux Tziganes, Témoins de Jéhovah et homosexuels et enfin aux Juifs à partir de 1938. Presque hommes en 12 ans sont internés à Dachau. Soumis au travail forcé, les détenus sont également des cobayes pour les monstrueuses expériences des médecins nazis. Comme Bergen-Belsen, Dachau est en 1945 la destination finale des nombreuses marches de la mort». L'arrivée des nouveaux prisonniers provoque une surpopulation et une propagation du typhus dévastatrice. Lorsque Dachau est à son tour menacé par l'avance des troupes alliées, les SS commencent à procéder à une évacuation au cours de laquelle ils assassinent de nombreux prisonniers trop faibles pour marcher. À l'arrivée des Américains le 29 avril, plus de 30 wagons remplis de cadavres de prisonniers morts pendant le déplacement vers Dachau, sont encore soldats américains découvrent à Dachau les cadavres de prisonniers après la libération du camp. Rue des Archives/Picture Alliance/Rue des Archive30 avril 1945 L'Armée rouge arrive à Ravensbrück le camp des femmesRavensbrück est le seul camp de concentration nazi réservé aux femmes un petit camp pour les hommes est implanté à côté mais reste totalement isolé de celui des femmes. Construit en 1938 dans le nord de l'Allemagne, il accueille ses premières prisonnières le 18 mai 1939. Un four crématoire et une chambre à gaz sont ajoutés respectivement en 1943 et 1944. femmes environ trouvent la mort à Ravensbrück, affamées, torturées, exécutées, gazées ou soumises aux délires des médecins SS. De nombreux enfants également sont assassinés de manière effroyable. En mars 1945, les prisonnières sont emmenées dans des marches forcées au cours desquelles les survivantes sont libérées par les troupes soviétiques. Ces dernières pénètrent dans le camp de Ravensbrück le 30 avril il ne reste que détenues, souvent malades, dont beaucoup meurent dans les jours derniers camps libérés5 mai Neuengamme en Allemagne par les Britanniques et Mauthausen en Autriche par les Américains ;8 mai Theresienstadt Terezin en Tchécoslovaquie par l'Armée soviétique9 mai Stutthof en Pologne par l'Armée soviétiqueSourcesEncyclopédie multimédia de la Shoah de l'USHMM United States Holocaust Memorial MuseumChronologie des évacuations et libération des camps, Cercle d'étude de la Déportation et de la Shoah-Amicale d'Auschwitz
Illustration Apple — Richard B. Levine/NEWSCOM/SIPA Une enquête a établi des liens entre des fournisseurs d’Apple et le travail forcé, concernant notamment les Ouïghours, en Chine. Les investigations de The Information et des défenseurs des droits humains pointent du doigt sept milliers de Ouïghours travailleraient contre leur volonté pour ces sept sociétés. L’une d’elles, Advanced-Connectek, possède une usine dans le Xinjiang, à l’ouest de la Chine, où vivent de nombreux Ouïghours. Des images satellites de la zone où se trouve son usine ont mis la puce à l’oreille des lieux sont entourés de murs et de clôtures et ne comportent qu’une seule entrée et sortie. Les clichés ont par ailleurs révélé à côté du site un bâtiment identifié comme un centre de détention où vivent les employés. Ces spécificités ne sont observables que dans des parcs industriels où des prisonniers travaillent », explique le chercheur australien Nathan autres fournisseurs ne sont pas installés dans la région mais recevraient de la main-d’œuvre issue de la communauté ouïghoure ou d’autres minorités persécutées. Shenzhen Deren Electronic, fabricant de composants pour Apple, ferait travailler Ouïghours. Lens Technology, spécialisé en écrans, en aurait de son côté eu 800 à sa disposition depuis 2018. Aucune preuve » de travail forcé selon AppleAvary Holding, qui fournit des circuits imprimés à Apple, aurait quant à elle fait venir du Xinjiang 400 travailleurs entre 2019 et 2020. L’entreprise a cependant démenti l’information. Les auteurs de l’enquête ont établi les liens entre Apple et ces fabricants en utilisant des documents officiels et les comptes d’employés sur les réseaux confronté à des accusations similaires, le géant californien avait répondu en décembre dernier n’avoir aucune preuve du travail forcé de Ouïghours dans les usines de ses fournisseurs. Apple avait mis en avant sa tolérance zéro » vis-à -vis de cette pratique contraire aux droits humains.
Bonjour, Comme vous avez choisi notre site Web pour trouver la réponse à cette étape du jeu, vous ne serez pas déçu. En effet, nous avons préparé les solutions de Word Lanes Camp de travail forcé en URSS . Ce jeu est développé par Fanatee Games, contient plein de niveaux. C’est la tant attendue version Française du jeu. On doit trouver des mots et les placer sur la grille des mots croisés, les mots sont à trouver à partir de leurs définitions. Nous avons trouvé les réponses à ce niveau et les partageons avec vous afin que vous puissiez continuer votre progression dans le jeu sans difficulté. Si vous cherchez des réponses, alors vous êtes dans le bon sujet. Vous pouvez également consulter les niveaux restants en visitant le sujet suivant Solution Word Lanes GOULAG Nous pouvons maintenant procéder avec les solutions du sujet suivant Solution Word Lanes 918. Si vous avez une remarque alors n’hésitez pas à laisser un commentaire. Si vous souhaiter retrouver le groupe de grilles que vous êtes entrain de résoudre alors vous pouvez cliquer sur le sujet mentionné plus haut pour retrouver la liste complète des définitions à trouver. Merci Kassidi Amateur des jeux d'escape, d'énigmes et de quizz. J'ai créé ce site pour y mettre les solutions des jeux que j'ai essayés. This div height required for enabling the sticky sidebar
Texte remanié d’un travail de recherches présenté dans le cadre du séminaire de thèse sur “Ecrivains et politique” dirigé par Jean-Pierre Azéma et Michel Winock années 1990. Août 1936, André Gide, Jacques Schiffrin, Pierre Herbart, Eugène Dabit, Louis Guilloux et Elizabeth Van Rysselberghe. En relisant et remaniant ce texte préparé dans le cadre d’un séminaire de thèse, je ne peux m’empêcher de penser qu’on sent toutes les influences laissées par ma formation. Influences de mes lectures de l’époque, à commencer par les travaux de Christophe Charle, invité au séminaire cette année là . Influence de la “grille générationnelle” élaborée par des historiens de Sciences po ou liés à Sciences po le numéro de Vingtième siècle d’avril-juin 1989, “Les Générations”. Influences des sources enfin, contingentes de leur époque les écrits de l’intime et la presse dominent les archives soviétiques vont s’ouvrir peu après. De ce fait, on apprendra peu de choses nouvelles dans ce texte. Cependant, j’ai corrigé des erreurs d’interprétation concernant Louis Guilloux, en utilisant un travail plus récent et fondé sur des sources soviétiques. Le propos qui nous intéresse ici est d’essayer de mettre en valeur le rôle du “voyage en URSS dans les prises de positions politiques des écrivains engagés, comme on pourrait le faire pour le voyage français en Allemagne nazie ou en Italie fasciste 1. Cette introduction ne saurait donc être une présentation biographique des trois auteurs, même centrée sur l’année 1936. Il s’agit avant tout d’un essai d’analyse du rôle du “voyage en URSS” dans les années trente. Un “voyage” qui permet de lier écriture, parcours biographique et engagement politique2. Entre 1917 et 1939, plus de 200 textes liés aux voyages d’auteurs francophones paraissent en France. Certains sortent à compte d’auteur et connaissent une diffusion limitée, d’autres comme le Retour de l’URSS d’André Gide, sont de véritables succès éditoriaux. Pour la seule année 1936, on compte 18 publications chez des éditeurs confirmés. En 1937, quand Gide modifie son retour d’URSS, on en compte 19 ouvrages aussi divers que le Mea Culpa de Céline ou le témoignage d’un convaincu comme Jean Pons, communiste et membre des AUS association des Amis de l’URSS3 . En effet, après les années vingt qui sont celles des premiers visiteurs d’une “Russie soviétique” encore très fermée, l’URSS des années trente va organiser le voyage des étrangers pour en faire tout à la fois un moyen de propagande et un moyen d’attirer des devises étrangères. C’est l’époque de la création de l’Intourist 1929 et de la mise en place de circuits modèles pour trois jours, trois semaines voire parfois un ou deux mois. C’est un modèle très politisé qui vise à promouvoir un tourisme de masse. Affiche Intourist 1930 A partir de la fin des années vingt et du début des années trente, et encore plus pendant la Grande Terreur, le voyageur a de plus en plus de mal à prendre des contacts hors des circuits officiels pour se faire une idée de la réalité du quotidien soviétique. Les médiateurs soviétiques guides interprètes notamment se professionnalisent et sont formés pour répondre à la double-attente de la diplomatie culturelle soviétique et des voyageurs étrangers4. En effet, tout voyage est un enjeu politique. Il reste, même aux périodes fastes, l’apanage du petit groupe5 . Il oppose aussi deux “légendes” une “légende noire” et une “légende dorée”6. André Gide, Eugène Dabit, Louis Guilloux et les trois autres intellectuels Pierre Herbart, Jacques Schiffrin et le Néerlandais Jef Last qui voyagent en URSS durant cet été 1936, auraient dû être les ardents propagandistes de la “grande lueur qui s’était levée à l’Est” en 1917. Ils sont invités aux frais de la “princesse en guenilles”7. Ils partent ainsi pour ce qui aurait dû être, pour la diplomatie culturelle soviétique et le parti communiste français, un apogée de l’engagement gidien. Le séjour, on le sait, va se transformer en une intolérable “apostasie”Pour plus de détails sur ce séjour, on peut notamment lire la biographie de Frank Lestringant, André Gide l’inquiéteur, Flammarion, Grandes Biographies », t. I, 2011, ainsi que Sophie Coeuré, “Le voyage en URSS, un exercice de style”, in Véronique Jobert, Lorraine de Meaux, Intelligenstia. Entre France et Russie. Archives inédites du XXe siècle, Ecole nationale supérieure des Beaux-arts, 2012. Interroger l’engagement et le désengagement de ces trois écrivains doit aussi nous permettre d’aller à la rencontre de trois itinéraires individuels et d’établir des liens avec le voyage. Ce dernier fournit un motif d’écriture d’un ouvrage à André Gide, comme à Pierre Herbart. Cela ne sera pas le cas pour Louis Guilloux dont le cas est complexe. Le voyage aboutit aussi à la mort tragique d’Eugène Dabit en Crimée. Nous allons malgré tout nous efforcer de retracer ses impressions. Pour cela, il nous faut préalablement questionner l’engagement avant le voyage, en étudiant les trois itinéraires au moment de leur départ en URSS. Nous verrons ensuite le temps du voyage, qui cristallise à notre sens un “désengagement” déjà présent pour Gide du moins et provoque la publication du “Retour de l’URSS”. Pour Louis Guilloux le voyage aboutit à un “désengagement en mode mineur” plus complexe qu’il n’y paraît. Avant le voyage en URSS, un engagement à trois voix Stratégies de positionnement sur le champ littéraire On peut tenter une analyse socio-historique des positions de nos trois auteurs. Leur triple engagement est à peu près contemporain, et peut se décomposer en plusieurs périodes. La première est marquée par une intense réflexion et la recherche d’informations vis-à -vis de l’URSS entre 1927 et 1932-1933. Elle est suivie par une période d’engagement actif. En comparant l’engagement gidien à celui de Guilloux, Dabit ou d’autres intellectuels philosoviétiques, on ne peut qu’être frappé par son caractère tardif et paradoxal. Au moment où Gide prend fait et cause pour le communisme, il a depuis longtemps acquis une place de premier plan dans la vie littéraire française. Il s’agit donc, pour le parti communiste d’un ralliement de premier ordre et qui coïncide en partie avec la politique de “main tendue” aux intellectuels initiée au moment d’Amsterdam-Pleyel 1932-1933, après une période plus sectaire dans la fin des années vingt et au tout début des années trente. Les premières déclarations de Gide dans son journal peuvent être datées à mon sens du 13 mai 1931. S’agit-il de la date réelle d’une “prise de conscience” ? On ne peut évidemment le certifier, même si on retrouve la même chronologie dans le témoignage de Maria Van Rysselberghe. L’engagement public lui est précis, puisque Gide publie ses “Pages de journal” dans les numéros d’été de la Nrf de 1932. C’est à ce moment là que la gauche française découvre que Gide “aimerait vivre assez pour voir le plan de la Russie réussir, et les Etats d’Europe contraints de s’incliner devant ce qu’ils s’obstinaient à méconnaître“. L’engagement de Gide peut paraître paradoxal dans le sens où il est tardif8, mais aussi parce qu’on peut se demander ce que Gide recherchait dans son rapprochement avec les communistes. Inauguration de l’avenue Maxime Gorki à Villejuif – Paul Vaillant-Couturier, André Gide et Mikhaïl Koltsov le chef de la délégation soviétique le 30 juin 1935.Fondation Catherine Gide L’Humanité du 1er juillet 1935, p. 1 Comment expliquer le rapprochement d’un grand bourgeois » aux côtés des communistes ? Issu d’une famille bourgeoise, intellectuelle, parisienne et protestante, Gide s’est, pendant de longues périodes, tenu à l’écart de la politique même s’il s’est engagé aux côtés des Dreyfusards. Cela ne signifie pas pour autant chez lui un désintérêt de la chose publique ». De 1896 à 1900, il est ainsi maire d’un petit village du Calvados. Par la suite, il fut, à sa demande juré de la cour d’Assises de Rouen 19129. Enfin, même s’il s’agit avant tout de parler de littérature, on peut évoquer “les années 1916-1917 où se noue un dialogue complexe et spécieux entre Gide et Maurras”10. Dans les années vingt, sa véritable intervention politique » qui précède de peu et explique en partie son engagement aux côtés des communistes, est littéraire. C’est par le biais du champ littéraire qu’il choisit en effet de prendre des positions anticoloniales en publiant son Voyage au Congo 1927 et son Retour du Tchad 1928, deux récits d’une mission officielle en en 1925 et 1926. A présent, je sais, je dois parler » écrit-il dans son journal. Il présente un véritable réquisitoire contre la colonisation en Afrique qui va même entraîner un débat à la Chambre des députés. Son engagement communiste est d’abord également un engagement littéraire. Au début des années trente, on l’a dit, Gide est alors un des auteurs rangés parmi les plus grands de son époque en France, au même titre qu’un Charles Péguy ou un Paul Valéry. Comme eux, il a derrière lui la plus grande partie de son oeuvre littéraire. Il reste l’un des fondateurs et un des animateurs d’une revue qui fait autorité en la matière. Outre une fortune personnelle qui lui a toujours permis d’écrire sans autre souci que l’aboutissement du projet d’écriture, il est étonné de pouvoir dire à Maria Van Rysselberghe qu’il pourrait vivre de sa plume. Cette position lui permet donc de faire plus facilement des choix de vie audacieux comme faire accepter son homosexualité à travers la publication de Corydon en 1924 qu’ils soient personnels ou politiques. Si on suit cette grille sociologique, sa situation privilégiée sur le champ littéraire lui permet donc de se positionner de façon paradoxale dans le champ politique, et cela, en toute liberté, en accord avec son individualité, ses idées. L’itinéraire de Louis Guilloux est à première vue moins paradoxal », même s’il y a chez Louis Guilloux une ambiguité sociale » liée à ses origines et son parcours de vie. Ses origines sont d’une part populaire, et d’autre part, et, c’est aussi important, provinciale. Louis Guilloux, Louis Aragon, et André Gide à la Maison de la culture en décembre 1935 Louis Guilloux, Louis Aragon, et André Gide à la Maison de la culture en décembre 1935. Bibliothèques de Saint-Brieuc -Fonds Louis Guilloux C’est avec Jean Giono et Jean Guéhenno l’un des rares écrivains d’origine populaire à prétendre à une certaine célébrité dans les années trente. Il naît en effet à Saint-Brieuc dans un milieu d’artisans engagés. Son père est cordonnier et socialiste candidat SFIO aux municipales de 1909. Louis Guilloux enfant, baigne donc en partie dans un milieu d’extrême-gauche provincial et populaire. Bon élève, boursier il entre au lycée en 1912, il aurait pu profiter de cet instrument de promotion sociale qu’est l’école républicaine, s’il n’avait décidé à 16 ans de gagner sa vie. Il fait alors divers métiers et finit par émigrer » pour se fixer à Paris où il devient traducteur d’anglais pour L’Instransigeant. C’est en 1926 qu’il décide de s’engager dans le champ littéraire11. Il fréquente alors des écrivains comme Jean Grenier, rencontré à Saint-Brieuc pendant la guerre, Fernand Divoire qui dirige L’Instransigeant ou André Chamson. En 1927, il envoie le manuscrit de La Maison du peuple » à Daniel Halévy qui le transmet à Guéhenno qui dirige une nouvelle collection chez Grasset, où le livre va paraître Les Ecrits. En juin 1927, il obtient tout à la fois la bourse Blumenthal et un contrat mensualisé avec les éditions Grasset. Il dira lui même beaucoup plus tard En 1927, l’écriture est devenu mon métier. Cela l’est resté depuis. » Un travail d’écriture très large puisqu’il comprend plus d’une vingtaine d’ouvrages romans, pièces et essais, de nombreuses traductions de l’anglais ou de l’italien, des préfaces et de multiples textes parus dans des revues comme la Nrf, Esprit, Europe et surtout Commune. Il va aussi tenir brièvement la rubrique littéraire pour le quotidien Ce Soir jusqu’en août 1936. Bureau de Louis Guilloux dans sa maison du 13 rue Lavoisier à Saint-Brieuc où le couple emménage en 1932. site de la ville de Saint-Brieuc – Maison Louis Guilloux. Dans les années trente, Louis Guilloux est donc un écrivain et un écrivant qui parait largement reconnu dans le champ littéraire, sans être un auteur à succès. France Culture Louis Guilloux un dégradé de positions proprement politiques – avec Jean-Baptiste Legavre Cette ouverture rapide du champ littéraire à un homme qui en était doublement éloigné par ses origines sociale et géographique doit être analysée. Sans aller jusqu’à parler de stratégie littéraire, cette trajectoire peut néanmoins en partie s’expliquer par les choix littéraires de Louis Guilloux. En effet, lorsqu’il quitte Saint-Brieuc, il a conscience de la distance qui le sépare du monde littéraire parisien. Même si Louis Guilloux a par la suite cultivé son personnage littéraire de franc-tireur »12, dans ses souvenirs posthumes, publiés sous le titre L’Herbe d’oubli, il y a bien un malaise entre l’écrivain Guilloux et Louis Guilloux, le fils d’un modeste artisan breton. Il écrit Je sentais vivement que le hasard qui m’avait fait naître et grandir dans une petite ville de province à près de cinq cents kilomètres de Paris était responsable d’un immense retard dont j’étais la victime, mais en même temps, je me disais que le dommage pouvait se réparer, pour cela, il ne tenait qu’à moi, si j’avais le simple courage de profiter de la première occasion qui s’offrirait de prendre mon billet pour Montparnasse. »13 Jean-Baptiste Legavre dir, Louis Guilloux politique, PUR, 2016En couverture, portrait de Louis Guilloux par Eugène Dabit, 1935. Et, pour mieux pénétrer le microcosme » littéraire qui le fascine, il s’installe dans le quartier de Saint-Germain des Prés sur la Rive Gauche où résident les intellectuels. De 1921 à 1927, il s’intègre dans le groupe des Vorticistes » où il s’entraîne au métier d’écrivain. Le groupe méprise les surréalistes, les dadaïstes notamment pour leur aisance toute parisienne et parce qu’ils sont déjà en place. Mais cela ne suffit pas. Il ne faut pas oublier que Guilloux ne possède aucun titre universitaire ou scolaire, en dehors de son certificat d’études. Cela le marginalise au sein même de son groupe Jean Grenier est agrégé de philosophie, André Chamson est chartiste. Guilloux n’a jamais été un étudiant, et avant d’entrer à L’Intransigeant, il est d’abord échotier à L’Excelsior à cinq sous la ligne. C’est donc en choisissant de raconter son milieu social à travers ses romans, qu’il va intéresser les milieux littéraires et peu à peu s’y intégrer. Comme Giono ou Guéhenno, le fils du cordonnier de Fougères », commence donc sa carrière en racontant son enfance et l’univers d’artisans et de militants socialistes de son père. Un témoignage véridique qui, dans la fin des années vingt et le début des années trente, pourrait s’inscrire dans le courant prolétarien ou dans le courant du populisme d’André Thérive. Ce parcours et ces choix littéraires, vont donc logiquement de pair avec un parcours politique qui tente lui aussi de concilier des origines provinciale et populaire et l’accession au statut d’intellectuel. Pour le dire autrement, en s’engageant aux côtés du parti communiste, Louis Guilloux tente ainsi de résoudre l’ambiguité qui subsiste entre ses origines et un milieu intellectuel qui le fascine14. Dans la version publiée de ses carnets largement réécrits on le sait, comme dans ses premières oeuvres, on voit que Guilloux s’intéresse à la politique. Au début des années trente, il s’engage en Bretagne contre les ventes-saisies et dans des actions en faveur des chômeurs. Il n’y a cependant que peu de trace dans ses carnets publiés d’activités politiques particulières. C’est la reconnaissance littéraire qui va entraîner un engagement politique à l’échelle nationale. Dans la logique de son oeuvre, celui-ci se situe à l’extrême-gauche de l’échiquier politique. Pourtant, Louis Guilloux ne va jamais adhérer à un quelconque parti. Et son engagement politique parisien, est, me semble-t-il, toujours en retrait. Regards, 18 juin 1936, Gallica Mon hypothèse est donc celle d’un engagement sur un mode mineur, tout au moins au niveau parisien. En effet, si Guilloux est bien le secrétaire du premier Congrès mondial des Ecrivains pour la défense de la culture en juin 193515, s’il collabore activement à Commune, puis au journal Ce soir, son activité militante parisienne semble relativement modeste et très littéraire. Elle contraste avec ses engagements bretons. Il faut se rappeler que de 1935 à 1940, Louis Guilloux est responsable du Secours Rouge international pour les Côtes du Nord. Un engagement politique local très concret qui convient peut-être finalement mieux à Guilloux. A la fin de 1936, il quitte ainsi en quelque sorte Paris et les milieux littéraires parisiens pour renouer avec ses origines sociales », un peu “reniée” auparavant. D’où une oeuvre qui reste très ancrée dans une réalité provinciale tout en s’éloignant du modèle littéraire réaliste socialiste »16. On peut reprendre cette grille d’analyse pour Eugène Dabit qui a lui aussi des origines sociales modestes. On le sait, ses parents sont des au départ des ouvriers-employés parisiens sa mère est couturière puis concierge, son père est cocher-livreur. Mais Dabit est bien un enfant des quartiers populaires de Paris et non d’une petite ville provinciale Faubourgs de Paris. Cependant,allant même plus loin que Guilloux, alors qu’il est un bon élève, il refuse d’aller au delà du certificat d’études en 1912, souhaitant », avec l’approbation de son père, apprendre un métier. Il est donc, avant la guerre, apprenti dans un atelier de serrurerie où l’on fait la journée des dix heures »17. La guerre est évidemment une césure sur laquelle nous reviendrons. Démobilisé en décembre 1919, il décide de se consacrer à l’art, même s’il s’initie parallèlement à la littérature sous l’influence du peintre Christian Caillard, le neveu d’Henri Barbusse qu’il a rencontré en 1921. Il partage avec son ami, une même vision critique du désordre du monde et une conception sociale de l’art . 1922-1923 sont des années où il est devenu massier18. Ses parents possèdent alors l’hôtel au bord du canal Saint-Martin qui fera la célébrité de Dabit. Aquarelle d’Eugène Dabit, Ma femme. Vendue en 1961 par Bétarice Appia-Dabit. Revendue par Artcurial le 3 novembre 2009. En 1924, il se marie à Béatrice Appia, une artiste comme lui, rencontrée aux ateliers de la Grande-Chaumière. En 1925, tout en fréquentant le groupe des peintres du Pré Saint-Gervais » qui se retrouvent dans un atelier de Belleville19, il commence à écrire20. Même s’ils ont pour une partie d’entre eux été formés à Montparnasse, les artistes du groupe sont donc très éloignés de la Rive Gauche comme Dabit le souligne dans Faubourgs de Paris. Son entrée dans le champ littéraire ne peut donc qu’être progressive et, au départ, il occupe une position marginale. C’est en fait grâces à André Gide et à Roger Martin du Gard, qui vont lui servir de mentors littéraires et de guides, qu’il entre véritablement en littérature ». Après une première rencontre en février 1927, Dabit soumet à Gide le projet d’Hôtel du Nord. Ce dernier demande ensuite à Martin du Gard de corriger le manuscrit. Eugène Dabit, L’Hôtel du Nord, Eaux-fortes de Rémy Hétreau, Denoël, 1944. Comme Guilloux, sans surprise, Dabit entre donc en littérature en choisissant de se raconter, et en intéressant des écrivains d’origine bourgeoise par sa singularité. On le sait, le livre qui paraît chez Denoël en 1929 est un succès critique. Il est réédité en 1931 et paraît en feuilleton la même année dans Le Peuple du 15 au 19 juillet 1931. Dabit obtient également le 18 mai 1931, le premier prix populiste ». La parution de Petit-Louis en 1930 conforte sa position sur le champ littéraire, même si ce n’est qu’en 1932 qu’il obtient un contrat de trois ans chez Gallimard. Un contrat qui, si on se fonde sur sa correspondance avec Roger Martin du Gard, est particulièrement avantageux puisqu’il va lui permettre quelques temps de vivre de sa plume. Sa notoriété lui permet également, à partir de cette date, d’écrire des articles de critiques d’art, des reportages, des essais dans des périodiques de gauche comme Europe, Marianne, Regards, Vendredi, et Esprit, mais aussi dans Les Nouvelles littéraires, et même Paris-Soir et Gringoire21. Regards, 6 juin 1935Gallica Surtout après 1935, il a donc une position d’écrivain qui s’accompagne, pour des raisons d’abord financières, d’une position d’écrivant ». Quant à moi, je pense que j’aurais bientôt mes petits ennuis. Mon contrat avec Gallimard se termine en février. Je doute fort que Gaston Gallimard m’en refasse un aussi avantageux […] Il me donne 800 francs par mois. Mais mes livres se vendent à 2000 ou 2500 exemplaires, jamais plus. Ce qui, Pierre Bardel a fait le calcul, au prix de la collection Blanche 15 F. fait que la somme dévolue pour droits d’auteur aurait du être de 4000 ou 5000 F et non faites le calcul de 9600 F.»22. Malgré tout, comme Guilloux, Dabit est bien devenu un écrivain à part entière en 1936. Une position qui est liée à un choix littéraire qui s’accompagne assez logiquement d’un engagement politique aux côtés du parti communiste. Cet engagement lui apporte en effet une nouvelle reconnaissance sociale, sans pour autant lui fermer les portes de Gallimard qui publie à l’époque Aragon ou Nizan et qui compte dans ses rangs des employés communistes comme Brice Parain… Ce rapprochement se fait avant tout à travers des organismes liés aux intellectuels. En effet, après un court passage aux côtés du groupe des écrivains prolétariens, il adhère à l’AEAR en 1933 et multiplie les articles dans des organes de presse communistes ou proches du parti communiste. L’AEAR semble bien à l’époque le lieu où écrivains et artistes ont le sentiment de faire fusionner écriture et action politique. Une écriture qui se veut évidemment porteuse d’un message social. Dans son journal23, évoquant les discussions à l’AEAR, il écrit Je ne demande pas mieux que de m’engager. C’est ma voie naturelle que je suis ; je sens que je puis faire un travail utile et en fonction même de mes besoins d’artiste, de créateur, pour tout dire, qui ne sont pas autres que mes besoins d’hommes. » Dans les trois cas, les positions de nos écrivains sur le champ littéraire peuvent ainsi partiellement expliquer leur engagement politique. Pour Gide, il se fait “en toute liberté”, alors que pour Guilloux et Dabit, il paraît plus “contraint” tout en restant très cohérent avec leur itinéraire personnel et leurs choix littéraires. Trois générations d’écrivains Après 1932, Dabit, issu d’un milieu populaire et choisissant de le raconter, est logiquement favorablement accueilli par les intellectuels communistes français. Mais son itinéraire personnel et littéraire n’explique pas tout. Dabit est né en 1898. Il a donc 16 ans en 1914. Or, sur les conseils de son père, pour choisir son arme, il devance l’appel. Il devient ainsi un homme de la génération du feu » pour qui la guerre change brutalement beaucoup de choses. Le thème de la mort l’obsède. André Gide dans son article de la Nrf du 1 octobre 1936 rapporte que Dabit parlait de la mort sans cesse comme pour un inquiet besoin de la repousser en pensée. » Pierre Herbart évoque lui24 son sens aigu presqu’animal de la vie ». Une mort très présente dans son oeuvre et qui se rattache à cette expérience de la guerre25 Regards, 3 septembre 1936, article d’Eugène Dabit sur la guerre de 1914. Gallica La guerre provoque donc un sentiment pacifiste virulent qui, s’il peut le rapprocher des communistes toujours très antimilitaristes en 1932-33, aurait pu jouer de plus en plus en sens inverse en 1936. Proche d’un Roger Martin du Gard sur ce plan, Dabit s’engage donc lui aussi sur un mode mineur. Ainsi, par exemple, si en 1932 il participe à des réunions de l’ communiste à Paris, il refuse, l’année suivante, de faire partie du Comité contre la guerre et le fascisme. Il rapporte à ce propos dans son Journal26 un échange de lettres avec Barbusse, qui l’a nommé membre sans son accord. Ces réflexions sont signifiantes. Elle prouve sa volonté de conserver une liberté d’action, en particulier sur cette question du pacifisme. Je puis faire un bon écrivain, peut-être ; un politicien, un agitateur, un homme public, non … Pour Henri Barbusse toute l’activité est politique. Il importe plus d’être en accord avec moi, qu’avec lui. » Guilloux est lui né trop tard pour appartenir à la génération du feu » même s’il en est proche il est maître d’internat au lycée de Saint-Brieuc entre 1916 et 1918. Il n’appartient pas non plus à la génération de la crise des années trente qui trouve déjà en lui un homme mûr. C’est donc en quelque sorte un frôleur de génération qui ne semble pas bouleversé par la Révolution d’Octobre de 1917, au point de s’engager politiquement même si elle est importante dans son oeuvre. Cette absence de greffe générationnelle » peut-elle nous servir à expliquer son refus d’adhérer au parti communiste ? Gide, le plus âgé des trois fait partie de la génération qui se révèle intellectuel » au moment de l’Affaire Dreyfus. Il fait partie de cette France de la justice, des droits de l’homme et de l’égalité. C’est bien avant tout un Gide humaniste qui s’engage aux côtés des communistes. Selon ses propres mots, c’est d’abord la prise de conscience de l’injustice sociale qui l’amène à ce rapprochement. En 1932, il écrit Pourquoi je souhaite le communisme ? Parce que je le crois équitable et parce que je souffre de l’injustice, et je ne la sens jamais tant que lorsque c’est moi qu’elle favorise. » Il le répète en juillet 1933, toujours dans son Journal27 D’humeur et de tempérament, je ne suis rien moins que révolutionnaire. Au surplus, je n’ai personnellement qu’à me féliciter de l’état de choses. Mais, voyez-vous, ce qui me gêne ; c’est précisément à m’en féliciter … Cela fait encore partie de son argumentation en 1935, lors d’une réunion contradictoire de l’Union pour la vérité. L’engagement vu à travers les écrits intimes de l’écrivain Aussi, cet engagement gidien porte-t-il sans doute déjà les contradictions qui peuvent expliquer son rejet ultérieur. Un rejet qui se cristallise durant le voyage en URSS, mais dont on peut déjà suivre le cheminement dans son journal là encore. Ce dernier permet en effet de préciser l’évolution du rapport de Gide à l’idée communiste. Le temps fort de sa réflexion se situe durant l’année 1932. En juillet 193228 , il se dit obsédé par le problème de l’URSS et par le communisme. Cet état d’esprit persiste en 1933 où de nombreux passages témoignent de son admiration à l’égard de l’URSS, applaudissant » par exemple un discours de Staline. Deux groupes d’idées dominent sa réflexion. Il s’agit tout d’abord de concilier un communisme bien compris » avec un individualisme bien compris »29. Une perception très gidienne » et peu doctrinale du communisme30. Par ailleurs, Gide cherche dans le communisme ce qu’il n’a pu trouver dans le christianisme, c’est-à -dire un christianisme compris comme une religion de justice et de fraternité. Pour lui, en effet, le communisme n’aurait pas de raison d’être si le christianisme n’avait pas failli. »31 Il “s’exclame” ainsi en juillet 1932 Mais il faut bien que je le dise, ce qui m’amène au communisme, ce n’est pas Marx, c’est l’Evangile. » On retrouve cette argumentation à de multiples reprises. En juin 1933, il ajoute cependant En ce sens, l’on a parfaitement raison de parler d’une conversion ». Car tout comme celle au catholicisme, la conversion au communisme implique une abdication du libre examen, une soumission au dogme, la reconnaissance d’une orthodoxie. Or, toutes les orthodoxies me sont suspectes. » Cette suspicion ne va faire que s’accroître à partir de 1933-34, alors que, paradoxalement, Gide est de plus en plus sollicité pour participer à des meetings, des réunions et qu’officiellement il multiplie les témoignages favorables. On trouve de nombreux indices de ses réserves dans son journal . Ainsi en 1935, C’est aussi, c’est beaucoup la bêtise et la malhonnêteté des attaques contre l’URSS qui font qu’aujourd’hui nous mettons quelque obstination à la défendre. » Ou, cette phrase écrite un peu avant le voyage en URSS en 1936 La propagande de l’URSS n’est pas toujours très adroite c’est excusable seulement si l’on songe à la jeunesse du peuple russe, à la nouveauté de son effort. » On trouve également de nombreux signes de ses réserves dans les Cahiers de La Petite dame » Maria Van Rysselberghe. Par ailleurs, cette période d’engagement coïncide avec une période moins faste d’un point de vue littéraire. Dès la fin de 1930, il écrit Certainement, je ne suis plus tourmenté par un impérieux désir d’écrire. Le sentiment que le plus important reste à dire » ne m’habite plus comme autrefois et je me persuade au contraire que je n’ai peut-être plus grand chose à ajouter à ce qu’un lecteur perspicace peut entrevoir dans mes récits. » Si son journal reflète ses préoccupations et témoigne de ses nombreuses lectures, il prouve aussi que l’engagement politique de Gide le distrait » de son métier d’écrivain. Cet engagement politique, s’accompagne d’ailleurs de multiples voyages, parfois politiques, parfois purement récréatifs Sicile, Maroc, Allemagne, Suisse. Tout ceci détourne alors temporairement Gide du roman. Ainsi Geneviève commencé en 1931, est toujours en chantier au moment du voyage en URSS ! Au contraire, l’engagement politique parisien de Louis Guilloux coïncide avec la publication d’un roman souvent considéré comme son chef d’oeuvre » et pour lequel les communistes vont se battre pour le défendre32. Mais, si le roman évoque un départ en URSS du héros, il faut attendre l’après guerre, avec Le Jeu de Patience 1949 et Les Batailles perdues 1960 pour voir apparaître la période des années trente dans ses romans. Et, contrairement à Gide, Guilloux, on l’a dit, évoque peu son engagement dans ses carnets33. Il semble qu’il ne cherche pas à l’expliquer à tout prix. Ces carnets contiennent de multiples notes sur des sujets divers, de politique intérieure et extérieure. Il rapporte surtout des choses vues ou vécues dans la rue, en insistant sur la misère ouvrière et paysanne. Mais on a beaucoup de mal à reconstituer l’emploi du temps de l’écrivain en se fondant sur ses notes. Plus largement, L’Herbe d’oubli, texte inachevé il est vrai, fait peu de place à la période des années trente qui va de février 1930 au début de l’année 1936 elle ne couvre que 55 pages. Il n’y évoque pas le voyage. L’année 1936 est rapidement balayée en 12 pages, alors que l’année 1937, où Guilloux est retourné à Saint-Brieuc, est plus minutieusement évoquée en 75 pages. On voit Guilloux militer au quotidien à la tête du Secours rouge de la région briochine. Que dire de cette écriture intime relativement “ouatée” sur son engagement ? Témoigne-t-elle du relatif malaise de Louis Guilloux dans cet univers intellectuel parisien engagé ? Les notes de 1937 éclairent-elles finalement un désir plus ou moins conscient de se fondre à nouveau dans son groupe social d’origine, et de mettre sa vie en accord avec ses principes ? Pour Eugène Dabit, le Journal intime » est comme pour Gide l’occasion de faire le point sur son engagement. Est-il écrit pour être publié comme celui de Gide ? Difficile de trancher. Si en 1932, Dabit se proclame révolutionnaire, les réflexions, dès 1933-1934, ne montrent pas un militant confiant, mais un homme désabusé et pessimiste. Un pessimisme qui est d’abord la traduction d’un malaise personnel et de la peur de l’avenir. 8 mai 1935 En cas de mobilisation, je pars immédiatement et sans délai ». Je n’ai rien oublié de mes trois années de service militaire, de la guerre. Mais aujourd’hui, ma haine est plus forte, plus grand mon désespoir. C’est la nuit, celle de la mort, qui menace de nous envelopper tous. Oui, la haine… aussi le désespoir … Horreur, bassesse de tout un régime, d’une société hypocrite où se mêlent prêtres, financiers, industriels, généraux, qui trahissent les nobles idées, qui trafiquent. J’appelle de tous mes voeux la fin de ce monde. Elle viendra. Quand ? Ah, qu’importe ! Le résultat final ne fait aucun doute. Et, c’est dans le sang et d’abominables horreurs, que sombrera cette société – contre laquelle vivant, je ne cesserai de lutter avec les armes que m’a données le destin. » Le voyage en URSS, cristallisation d’un désengagement ? Récits de voyage Dès le début de son engagement public, Gide va être sollicité pour partir en URSS par des communistes comme Ilya Ehrenbourg en 1933, ou comme Aragon et bien sûr Aleksandr Arosev, le directeur de la VOKS en 193534. Gide est bien avec Romain Rolland ce que l’on pourrait appeler le plus beau fleuron de la “politique de main tendue” aux intellectuels. Ainsi, en juin 1933, dans les colonnes de Russie d’Aujourd’hui, la revue des Amis de l’URSS, on répond à un ouvrier qui s’étonne d’entendre parler de Gide dans des colonnes communistes. On lui explique que depuis quelques années celui-ci se rapproche de plus en plus de l’URSS ». Et, ajoute le chroniqueur, c’est sans contredit, l’écrivain le plus écouté, le plus célèbre de France… Un homme d’une sincérité insoupçonnable. Son adhésion, son courage dans la défense de l’URSS sont l’indication certaine que les cercles intellectuels ne purent décidément, s’ils veulent penser honnêtement, continuer à croire en la légitimité du capitalisme … Mesurez alors, l’importance de ses déclarations, l’appui énorme qu’il donne à l’URSS et au marxisme. » Le philosoviétisme de Gide aurait en effet dû être couronné par un voyage triomphal dans la patrie des travailleurs. Toutes ses demandes aboutissent finalement au projet de l’été 1936 après plusieurs tentatives infructueuses dont une avec Roger Martin du Gard en 1935 – refus de ce dernier. On peut suivre en détail la préparation du voyage à travers les journaux et les carnets de nos écrivains, à travers les cahiers de “La Petite Dame”, et, en partie, à travers des archives soviétiques. Parmi les grands et sincères amis de l’URSS votre nom est certainement un des plus populaires et des plus estimés dans les plus larges milieux des travailleurs soviétiques. Vous connaissant et appréciant hautement d’après vos œuvres, vos idées et actions qui vous mettent à l’avant-garde des intellectuels français de gauche, les travailleurs soviétiques seraient certainement très heureux de pouvoir entrer en contact direct avec vous, de vous montrer leurs dernières réalisations culturelles, sociales et économiques et de pouvoir mettre à profit vos appréciations et suggestions personnelles à ce sujet. C’est pourquoi nous nous faisons leurs interprètes fidèles, en vous faisant connaître leur plus cordial désir de vous voir en URSS auquel nous nous joignons très chaleureusement aussi bien au nom de la Société pour les relations culturelles VOKS » qu’en notre nom personnel. Aussi permettez-moi de vous adresser par la présente lettre notre plus amicale invitation de venir visiter notre pays où vous serez un des hôtes les plus bienvenus et les mieux accueillis aussi bien par la Société VOKS » que dans tous les milieux soviétiques les plus larges. Il va sans dire que vous n’aurez nullement à vous préoccuper des conditions de votre séjour chez nous qui sera entièrement organisé par nous. Quant aux détails, futures visites et rencontres, nous les fixerons définitivement d’un commun accord dès notre première entrevue à VOKS. »35 Selon Maria Van Rysselberghe, après le refus de Roger Martin du Gard, Gide avait abandonné l’idée du voyage. Mais la ténacité des “Stalinist westernizers”36 va payer, puisqu’au printemps 1936, la petite équipe se constitue très rapidement. Autour de Gide en effet, six intellectuels ont été comme lui officiellement invités en URSS. Il y a tout d’abord Pierre Herbart37, rencontré en 1927. C’est le gendre de la Petite Dame et le mari d’Elisabeth Van Rysselberghe elle aussi présente en URSS, la mère de Catherine Gide. Les deux hommes s’estiment et s’entendent très bien. Herbart qui est communiste est en fait parti vivre à Moscou en novembre 1935 pour diriger l’édition française de la revue La Littérature internationale UEIR – Union internationale des écrivains révolutionnaires . Il prend ainsi la relève de Paul Nizan. Au début du mois de juin 1936, il part de Moscou pour aller chercher Gide et l’accompagner en URSS38. Pierre Herbart, Fondation Catherine Gide Il y a aussi Jacques Schiffrin, l’éditeur de la Pléiade qui fait partie de l’équipe Gallimard et que Gide connaît depuis le début des années vingt39. La venue de cet intellectuel né à Bakou en 1898 et qui a fui la Révolution d’Octobre en, 1917, va d’ailleurs poser le premier problème du voyage. La Petite Dame, dans ses notes du 31 mai 1936, écrit Il parait que la présence de Schiffrin est considérée comme plutôt indésirable. Aragon a commis la gaffe d’écrire officiellement que Gide arriverait en URSS avec Schiffrin comme interprète ce dont on s’est froissé, comme d’une défiance. » Gide doit alors convaincre Aragon du mauvais effet qu’aurait le refus de sa présence. Sur un bateau sans doute sur la mer Noire de gauche à droite Jef Last de profil, Louis Guilloux, André Gide, Jacques Schiffrin et Eugène Dabit. Eté 1936. Pour le communiste néerlandais Jef Last, ami de Gide depuis 1934, il n’y a par contre pas de problème. La Petite Dame le décrit comme un marin hollandais, écrivain, emballant savoureux, ironique à travers un français impossible. »40 Jef Last Portrait de couverture de son livre en néerlandais sur la guerre d’Espagne. Dabit quant à lui fait partie du petit cercle gidien depuis qu’il est venu demander des conseils littéraires à Gide en 1927. On trouve dans son journal de multiples références témoignant d’une admiration sans borne à l’égard de son aîné Je revois André Gide. Joie. Et de sa part, si simple, si affectueuse. … J’ai trouvé en lui, un artiste, un intellectuel, qui toutefois n’a pas cessé d’être un homme, l’est plus et mieux aujourd’hui. … Et combien il me donne confiance sur la route que je dois suivre ! Comme il l’éclaire. »41 Campagne pour le “Sang noir” de Louis Guilloux en décembre 1935. Louis Guilloux n’est par contre pas un intime de Gide. Si celui-ci a suivi une des conférences publicitaires » liées à la sortie du Sang noir en 1935, il ne semble pas le connaître personnellement. C’est vraisemblablement par l’intermédiaire de Malraux, qui passe quelques jours à Saint-Brieuc à la fin de l’année 1935, que Guilloux va faire partie du voyage. Si Gide fait mine d’apprécier l’écrivain breton dans ses lettres où il l’appelle Mon cher Guilloux » et semble être tout heureux de cette admirable occasion de vous se revoir et longuement »; la réciproque n’est pas vraie. Dans ses carnets du 28 janvier 1936, en évoquant la soirée où Gide l’invite à partir avec lui en URSS, Guilloux écrit Je ne puis pas dire que je me sente avec lui, très à mon aise. »42. Voici pour les personnages, reste le voyage. En fait, tous ne partent pas en même temps. Gide s’est occupé pour tous des passeports et des visas, mais il accélère les préparatifs du fait des nouvelles alarmantes concernant la santé de Gorki qu’il voudrait rencontrer. Il prend donc l’avion au Bourget le 16 juin, et livres à la main, arrive le lendemain à Moscou, via Berlin. Gide sortant d’un avion – Juin 1936 à Berlin ?Fondation Catherine Gide Jef Last, Jacques Schiffrin, Dabit et Guilloux partent de Londres où ils ont assisté à la Conference de l’Association internationale des Ecrivains pour la Défense de la Culture entre le 19 et le 23 juin 1936. Ils s’embarquent à bord du bateau soviétique Cooperatzia, qui, en cinq jours les conduit à Leningrad où ils sont accueillis par Gide. Eugène Dabit et André Gide sur le bateau sur la mer Noire – 1936Fondation Catherine Gide On peut arriver à reconstituer le voyage en URSS en lisant le Journal de Gide, le Retour de l’URSS, complété par le récit de Pierre Herbart, le journal intime de Dabit et les notes de la Petite Dame43. Le programme qui s’étale sur plus de deux mois retour le 24 août n’est pas très surprenant. Affiche fait datant des années 60. Après Moscou et Leningrad, toute la petite équipe part en effet pour le Caucase qu’ils traversent en partie en voiture route touristique panoramique en passant par Ordjonikidzé redevenue depuis Vladikavkaz, Tiflis où, le 30 juillet, Schiffrin et Guilloux regagnent la France. Ils prennent cependant aussi le train, dans un wagon spécial comportant un salon et des couchettes aménagées spécialement pour l’occasion44. Les autres continuent vers Batoum, Soukhoum Soukhoumi et Sotchi. Le 12 août, à Sotchi, Dabit est pris de coliques et de fièvres. Ils prennent malgré tout le bateau pour traverser la mer Noire. Le 17, ils arrivent à Sébastopol. Le 21 août, Eugène Dabit transporté d’urgence à l’hôpital meurt du typhus du typhus dans la soirée. Gide et Guilloux dans le wagon aménagé pour eux. Fondation Catherine Gide. Comme tous les voyageurs officiels, et sans doute plus que les autres, Gide et ses compagnons sont reçus dignement. Ils sont en effet assurés de deux choses durant ce séjour de confort et de gloire. Voyage en URSSEugène Dabit, André Gide et Pierre Herbart. Après le départ de Guilloux et Schiffrin le 30 juillet ?Cahier de photographies offert en URSS “A notre cher et noble ami André Gide”.Fondation Catherine Gide. Rien à voir avec le Voyage au Congo où même la remontée du fleuve Congo en première classe est considérée par Gide comme une épreuve. A Moscou, c’est une suite de six chambres qui est mise à leur disposition dans l’hôtel Métropole. Sur la mer Noire, à Soukhoum, il dispose même de la chambre allouée à Staline en personne. Ils se plaignent également d’une trop grande abondance de nourriture qu’on tente de leur faire passer pour l’ordinaire des Soviétiques Excellent déjeuner à l’hôtel Astoria, à Leningrad. J’entends Gide féliciter nos hôtes de la parfaite cuisine et de la composition du menu. - Ce qui est remarquable, camarade Gide, […] c’est que tout le peuple mange ainsi désormais. »45 Herbart se livre alors à un calcul qu’il communique aux autres en leur montrant que le prix du repas par personne correspondant au salaire moyen d’un ouvrier, soit 200 roubles par tête. Brochure Intourist Crimée 1934 La gloire » est elle aussi au rendez-vous. Tout a été prévu pour que partout Gide soit accueilli triomphalement. A son arrivée, il commence par être porté sur les épaules des employés de l’aérodrome. Cette chaleur, perçue comme très slave », ces contacts humains, même dans son Retour de l’ Gide en conserve un souvenir ému. Il est vrai que la diplomatie culturelle soviétique sait habilement jouer des récompenses symboliques réservées aux amis de l’URSS. Tout est soigneusement préparé. Comme ces banderoles qui se déroulent dans les gares à chacune de leur arrivée. En fait, elles suivent les voyageurs dans le même train qu’eux. Comme ces photos qui sont distribuées à des milliers d’exemplaires. Tous les faits, les gestes et les paroles de Gide sont soigneusement retransmis tout au long de voyage par la presse soviétique, même dans les régions où ils ne mettent pas les pieds. Il s’agit bien là de propagande extérieure, mais aussi de propagande intérieure. Voyage en URSS – André Gide, Pierre Herbart et Eugène Dabit dans une voiture en extraite du cahier offert “A notre cher et noble ami André Gide”. Fondation Catherine Gide. Ils sont bien sûr étroitement surveillés et soumis à un programme dense, avec de multiples cérémonies et visites sur le modèle soviétique visites de kolkhozes, d’usines, mais aussi de musées, de crèches, de camps de pionniers. On les emmène au cinéma, au théâtre, au concert. Ils prennent contact avec la jeunesse universitaire, les gens de lettres seul moment un peu plus libre » du voyage peut-être, quand Gide est invité dans les datchas d’Isaac Babel et de Pasternak. Il y a aussi les multiples parades officielles de la première, funéraire, où Gide prononce un discours pour l’enterrement de Gorki, à la parade de gymnastes qui remplace, durant l’été, les défilés des cérémonies commémoratives de la Révolution d’Octobre. Discours d’André Gide aux funérailles de GorkiJuin 1936 – Derrière Gide, Viatcheslav Molotov. Détail d’une photographie. Photographe inconnu RGAKD. Funérailles de Maxime Gorki – Film Images C’est bien une mise en scène en forme de livres d’images où Gide et ses compagnons doivent admirer la belle vitrine de la réalité soviétique. André Gide avec des pionniers à la gare de Biélorussie en 1936. Photographe inconnu. RGAKFD. Ils sont en partie conscients de la surveillance à laquelle ils sont soumis. Gide renonce ainsi à prendre des notes durant son voyage. Ils sont aussi frappés, comme d’autres voyageurs avant eux, par ce qu’on ne peut leur cacher les queues, la pénurie et la mauvaise qualité des marchandises qu’ils découvrent en se promenant autour de leur hôtel. A Tiflis, ils sont constamment suivis par des bezprizornis qui mendient… En effet, au fur et à mesure qu’ils s’éloignent de Moscou le contrôle de leurs guides est plus “maladroit”. Les rencontres “non-officielles” se multiplient, comme celle où, lors d’une panne de leur Lincoln en plein campagne, ils entrevoient un paysan famélique sur le bord de la route. Enfin, la fin du voyage est tragique et assombrit le climat du voyage. Que pensent-ils de la mort de Dabit, soigné trop tardivement et mal d’un typhus on avait d’abord diagnostiqué d’autres maladies dont la scarlatine, sans doute attrapé sur le bateau sur la mer Noire ? Leur retour rapide sur Moscou Gide, Last et Herbart laissent Dabit à l’hôpital de Sébastopol coïncide de surcroît avec le procès des 1646. Les trois hommes s’envolent même de Moscou le jour où Zinoviev et Kamenev sont condamnés à mort. On a pu se demander pourquoi Gide, qui d’après son Retour de l’ avait bien ressenti un profond malaise, a pu continuer à multiplier les déclarations en faveur de l’URSS pendant tout son voyage. Il faut cependant les nuancer. Quand il le peut, il évite les thèmes directement politiques, préférant, comme dans sa préface, évoquer la chaleur du peuple russe ou de parler la beauté de la Colchide en Géorgie mais si Gide est botaniste, la lettre est malgré tout adressée à Béria. Il ne multiplie pas non plus les références à l’autre grand Géorgien, croisé à l’enterrement de Gorki et qu’Arosev s’est efforcé en vain de lui faire rencontrer en tête à tête47. Malgré tout, sachant très bien que les Soviétiques tireraient parti de ses discours, il reste très prudent durant son séjour. Ce voyage est évidemment dominé par la figure de Gide qui est au centre de toutes les attentions des médiateurs soviétiques. Ses compagnons sont finalement un peu plus libres de leur mouvement. Si on laisse Gide avoir des aventures, c’est Herbart qui parle russe qui rencontre un jeune bezprizorni à Leningrad ou un poète opposant sur le bateau sur la mer Noire. Les autres n’ont pas à faire de discours emphatiques et sont souvent dispensés des cérémonies officielles. Guilloux et Schiffrin peuvent également repartir plus rapidement. Si on se fonde sur le journal de Louis Guilloux, c’est en apprenant le début de la guerre d’Espagne que ce dernier se décide à rentrer. Mais ce qu’il a vu de l’URSS ne le pousse pas à rester… Désengagements Malgré toutes les précautions prises par les officiels soviétiques, on le sait, ce voyage n’est pas une réussite pour la propagande soviétique. André Gide une rupture Le voyage cristallise un désengagement net pour Gide, officialisé par la publication du Retour de l’ L’écrivain, on l’a vu, était cependant devenu de plus en plus critique vis-à -vis de l’URSS avant même le voyage de l’été 36. Par ailleurs, quand, au début du mois de juin, Pierre Herbart est venu en France pour le conduire à Moscou, il a sans doute pu entretenir Gide de ses points de discorde à l’égard de la politique soviétique. Correspondant de La Littérature internationale, Herbart avait notamment assisté à la querelle entre formalisme et naturalisme et à l’affirmation du réalisme socialiste ». Le contrôle sourcilleux sur tout ce qui était publié dans la revue ne laissait place à aucun doute. Un an après le voyage, il écrivait Le réalisme en URSS, c’est avant tout trouver bon ce que les dirigeants ont cru nécessaire d’éditer. »48. Gide, qui dès le début de son engagement doutait de pouvoir un jour écrire selon des normes communistes, n’avait pu qu’être sensible à cette évolution. Le voyage va ainsi aboutir à un point de non retour. En effet, Gide rentre convaincu qu’il lui faut témoigner de ce qu’il a réellement vu en URSS la réalité, fut-elle douloureuse ne peut blesser que pour guérir » proclame la manchette publicitaire de son récit de voyage ! Pourtant, Gide ne pense sans doute pas qu’il va être banni par une partie de la gauche intellectuelle française, au delà même des rangs des intellectuels communistes. Ses positions sont cependant de plus en plus claires. On peut se fonder à nouveau sur le témoignage de “La Petite Dame” datant du début du mois de septembre Je commence par le procès de Moscou qui est pour moi la fissure qui laisse passer tous les doutes. Mais oui, oui », dit Gide, C’est aussi odieux que le procès du Reichstag, c’est la même chose, et cela pose des questions terribles. » » Le lendemain de cette conversation, toujours selon Maria Van Rysselberghe, la visite de Jacques Schiffrin ouvre toutes les écluses ». La réflexion qu’il conduit avec les uns et les autres l’amène à penser Je voudrais mieux sérier les questions. S’agit-il du communisme, du Russe, de Staline, ou de l’Homme tout court ?» […] Tout cela est, aux yeux de tous, si bien confondu qu’il n’y a plus de moyen de parler clair ; la notion de parti est terrible et supprime toutes les nuances. » Dans ses conversations avec Gide, Schiffrin conclue Au fond le communisme n’existe plus là -bas, il n’y a plus que Staline. »49. Concrètement que reproche Gide à l’URSS. Pour rédiger son carnet de route » il a été aidé par Pierre Herbart qui va finir par publier son propre récit en 193750. La première mouture du Retour de l’ date du 23 septembre, soit un mois après le voyage. Son jugement est concis et s’éloigne du simple récit de voyage pour faire figure d’essai. Après plusieurs corrections celles de Schiffrin, de la Petite Dame, d’Herbert et de Guilloux. Le livre est finalement publié le 5 novembre 1936. Il est dédié à Dabit comme étant les reflets de ce que j’ai vécu et pensé près de lui, avec lui. » Ce qui choque Gide par dessus tout c’est que l’URSS n’a pas su préserver la liberté et l’individualité de l’homme. Concrètement, il évoque les problèmes de pénurie, mais aussi le conformisme social et stigmatise la bureaucratie. On connaît sa phrase fameuse51 quand il dit douter qu’en aucun pays aujourd’hui, fût-ce dans l’Allemagne de Hitler, l’esprit soit moins libre, plus courbé, plus craintif terrorisé, plus vassalisé » qu’en URSS. Il dénonce aussi le culte de la personnalité, évoquant par exemple la censure de ses propres déclarations et l’insertion de textes de louanges à Staline dans ses articles ou la traduction de ses discours. Il attaque aussi la nouvelle législation contre l’avortement et l’homosexualité. Des critiques justes qui vont évidemment porter et qui sont pour lui comme une libération. Il ne croit de toutes évidences plus à la possibilité de concilier sa personnalité avec le communisme soviétique et “s’en libère”. J’émets l’hypothèse que cette libération » va ensuite faciliter son retour à l’écriture littéraire et lui permettre d’achever enfin Geneviève. Eugène Dabit la mort au bout du voyage Dabit aurait-il aussi fait oeuvre de témoin s’il n’était pas mort en URSS ? Il nous reste son Journal intime publié par Gide de façon posthume52. Selon le témoignages de ses compagnons, Dabit comme les autres, et peut-être plus encore que Gide, est profondément déçu par ce voyage. Cependant, une phrase du journal, écrite le 25 juillet, donc un peu moins d’un mois avant sa mort, semble résumer son opinion vis-à -vis de l’URSS J’écrirais peu sur ce voyage. S’il le faut à mon retour. … Quant à parler de la doctrine, du système, il n’en est pas question. Entre plusieurs qui sont proposés aux hommes, entre fascisme et communisme, je n’hésite pas, j’ai choisi le communisme, quelles que soient les réserves que puissent m’inspirer ce voyage, je m’en tiens fermement à mon choix. » En fait, Dabit est comme Guilloux sous le choc des événements d’Espagne qui éveillent en lui inquiétudes et souvenirs ». De toutes parts, presque dans le monde, luttes, haines. En France, demain, c’est sûr. Alors quoi, comment vivre. » Inhumation des cendres de Dabit au Père Lachaise le 7 septembre 1936. Marcel Cerf – Bibliothèque historique de la Ville de Paris. En septembre 1936, lors de l’inhumation de ses cendres au Père Lachaise53, les communistes tentent pourtant de donner l’image d’un Dabit séduit par l’URSS. Cinq milles personnes assiste à la cérémonie où Paul Vaillant-Couturier et Aragon prennent notamment la parole. Gide note dans son journal L’assistance était nombreuse ; gens du peuple surtout et en fait de littérateurs, rien que des amis dont le chagrin était réel. […] Les discours de Vaillant-Couturier et d’Aragon ont présenté Dabit comme un partisan actif et convaincu. Aragon, en particulier, a insisté sur la parfaite satisfaction morale de Dabit en Hélas !… » Regards, 17 septembre 1936. Article d’Aragon évoquant la parade sportive à laquelle il a assisté à Moscou avec Gide, Guilloux et “notre cher Eugène Dabit”. Louis Guilloux critiques “silencieuses” Les mêmes signes de prise de conscience critique apparaissent chez Louis Guilloux, même si, comme pour Dabit, la prudence et le silence dominent. L’engagement philosoviétique de Guilloux est surtout littéraire. Il faut dire que son bout de chemin » avec le parti communiste lui permet de publier de nombreux articles dans la presse communiste ou Or, à l’automne 1937, il note dans ses carnets Si j’avais la moindre envie d’écrire pour le public, quelque chose » sur mon voyage en URSS avec Gide, ce ne sont pas les procès de Moscou, ni la guerre d’Espagne qui m’y inciteraient. » Dans les carnets qu’il a fait publier, il faut attendre 1938 pour voir apparaître de véritables signes de désaveu à travers l’anecdote d’un Géorgien qu’un Russe empêche de lire en public des vers interdits. On le sait, il lui est publiquement impossible d’écrire contre Gide, ce qui lui vaut son renvoi de Ce Soir fin août 1937, où il était en charge de la rubrique littéraire, et cela en dépit des démarches pressantes d’Aragon et de Jean-Richard Bloch. Pourquoi ? C’est Gide qui l’a fait inviter en URSS… Malgré tout, c’est un refus courageux, car le renvoi met fin à un salaire qui tombait tous les mois en lui fermant les portes du quotidien communiste. Un salaire dont il avait besoin, ses droits d’auteur ne lui permettant pas de vivre de son travail. La dimension matérielle a sans doute joué un rôle important pour la suite. Cela le pousse à rentrer en Bretagne où il s’engage encore plus dans l’action au sein du SRI briochin pour soutenir les réfugiés espagnols. En décembre 1935, c’est pourtant le même Guilloux qui écrivait au correspondant de l’agence Tass en France Cher Camarade, […] Que souhaitez vous [sic] pour l’URSS, pour l’année 1936, me demandez vous ? Il est difficile de dire ce que l’on souhaite le plus particulièrement, quand on souhaite dans tous les domaines, sans exception, encore plus de succès, encore plus de réalisations et de force ! Je souhaite donc que l’année 1936 marque une nouvelle étape dans le triomphe du socialisme, c’est-à -dire dans le triomphe de la vie. Je suis avec l’URSS de tout mon cœur, je salue avec enthousiasme sa jeunesse où s’incarne tout espoir du monde vivant. L’année 1936 sera sans doute décisive dans la lutte mondiale qui se joue entre la vie et la mort. A tout ce qui veut vivre et défend la vie, salut ! Fraternellement à vous Louis Guilloux»55 En fait, les archives soviétiques prouvent qu’il n’y a pas eu de rupture franche, même après son exclusion de Ce Soir. Il n’a certes jamais écrit de véritable récit de voyage » en URSS, mais il continue après le voyage de publier des textes très élogieux dans la presse communiste. On peut notamment citer ses articles pour Russie d’aujourd’hui, la revue des AUS, l’un sur la jeunesse, publié en novembre 1936 et un autre dans un numéro spécial qui regroupe des intellectuels communistes ou des sympathisants le 15 mars 1937. On peut aussi évoquer la publication de son hommage à Dabit pour Commune, où il ne fait pas davantage part de ses réserves Depuis le début du voyage, nous n’avions cessé de parler de ce retour, qui eût été comme un couronnement éblouissant au périple qui nous avait menés de Londres à Léningrad, de Léningrad à Moscou, puis en Géorgie … […] C’était un compagnon facile, rieur, à qui le voyage, et surtout celui-ci, donnait un grand bonheur. Il rêvait depuis long- temps de voir ce pays neuf et vivant ! Il avait tant de joie à le parcourir. Nous nous sou- viendrons, me disait-il, ce voyage changera tout pour nous. […] Dans un camp de pionniers, près de Léningrad, je le revois bouleversé, pleurant d’émotions au milieu des enfants. […] Et quand je pense à ce que nous étions à leur âge, et à ce qu’on fait pour eux, ici, ah !… »56 Sa relation avec l’URSS ne s’interrompt donc pas après son voyage. Et, encore plus surprenant, même après août 1937, il continue de publier en URSS et de correspondre avec l’Union des écrivains, et cela jusqu’au début de l’été 193957 Comment expliquer ces contradictions ? Avec Louis Guilloux, il faut aussi se souvenir des incohérences inhérentes à ses origines sociales et son statut d’intellectuelJean-Charles Ambroise, Un roman du désengagement. Les fins du militantisme dans le Jeu de patience », in Jean- Baptiste Legavre dir., Louis Guilloux politique, PUR, 2016, p. 83-107. Des discordances apparentes sur le champ littéraire parisien, que le retour en Bretagne et l’engagement dans l’action collective permet en partie de résoudre. La posture composite de Guilloux qui dépend autant d’un double positionnement social et littéraire, que d’un contexte idéologique et d’une conjoncture matérielle, souligne dans tous les cas l’inadéquation des termes trop simples de lucides » ou aveuglés », utilisés pour qualifier l’attitude des compagnons de route » vis-à -vis de l’URSS ou du PCF. »58 Une lecture diabolisée A partir de novembre 1936, et même avant démarches d’Aragon, entre autres, les communistes vont tenter de lutter contre Gide et ce qu’il dit dans son Retour de l’ Gide est devenu un “renégat” qui, en dépit de la guerre d’Espagne l’argument utilisé par Aragon pour tenter de retarder la publication ose dire du mal de l’URSS “au moment où celle-ci a le plus besoin d’être soutenue” ! Mais, d’abord surpris, les communistes n’en viennent à l’exclusion totale et à la grosse artillerie qu’avec la publication du Retouches à mon retour de l’ 1937 Tous les arguments, même les plus vils, sont utilisés. On insinue que la publication répond à une âpreté au gain le Retour s’est vendu à 146300 exemplaires entre sa publication et septembre 1937, avec 8 réimpressions. On évoque son homosexualité “déçue”, voire du masochisme André Wurmser dans Russie d’aujourd’hui. Fernand Grenier, préface de Jean Lurçat, Réponse à André Gide, AUS, 1937. Pourtant, en lisant les 73 pages du Retour de l’ on est aujourd’hui frappé par la prudence du ton de l’avant-propos, ou par les premiers chapitres où l’écrivain évoque les aspects idylliques du voyage, la beauté du pays et la chaleur de l’accueil. Mais dans le détail, les communistes ne s’y sont pas trompés, sa critique est sans pitié et elle sera encore plus virulente dans l’opus suivant. Gide sait qu’il n’a plus rien à perdre… L’écrivain disparaît ainsi des organigrammes communistes. Selon une technique éprouvée, il est, en tant qu’adversaire, non seulement vilipendé, mais plus encore nié en tant que personne. De L’Humanité à la Pravda, de Ce Soir à Commune, tous les journaux le dénoncent. Même Romain Rolland, pourtant déçu par son voyage de 1935, parle d’un livre médiocre59. L’association des Amis de l’URSS AUS, dont la mission principale est la défense de l’URSS, va sans doute mener la bataille la plus active contre Gide. André Wurmser et Fernand Grenier, son secrétaire général, livrent plusieurs articles dans Russie d’Aujourd’hui. Dès novembre 1936, ils mettent aussi en place des conférences contradictoires contre l’écrivain et éditent une brochure en 1937. Si au départ, leurs critiques restent réservées, laissant penser à un malentendu temporaire, la publication du Retouches à mon retour de l’URSS libèrent les vannes. Gide est alors définitivement passé du côté des ennemis de l’URSS qui, comme Citrine, Trostky, Victor Serge, Kléber Legay… sont selon les AUS capables des pires mensonges pour arriver à leurs fins. Gide est alors devenu un pestiféré pour une partie de l’intelligentsia progressiste. Revue de presse autour du Retour de l’URSS Du côté de l’entourage de Gide, on peut évidemment compter sur la défection prévue d’Aragon ou celles des Groethuysen, tandis que Roger Martin du Gard l’approuve et que Malraux ne désapprouve pas. L’écrivain se replie sans doute davantage sur un réseau plus ancien de sociabilité, qu’il n’a cependant jamais quitté. Plus graves sont peut-être les conséquences au sein de Vendredi, le magazine de Front populaire, où la controverse interne autour du livre fait partie des raisons qui expliquent le déclin du périodique politique. Chamson a en effet accepté de publier l’avant-propos du Retour le 6 novembre. Par la suite, Vendredi fait le silence sur la polémique. Et quand Nizan, Wurmser et d’autres tempêtent, Chamson fait finalement marche arrière, perdant ainsi le soutien de l’autre camp. Fin 1937, il se rallie même aux positions plus intransigeantes de Viollis ou Guéhénno. Il est vrai que Gide a aggravé son cas en se joignant à Duhamel, Martin du Gard, Paul Rivet, pour lancer un appel au gouvernement républicain espagnol contre les procès arbitraires des membres du POUM. Gide a même utilisé Claude Mauriac pour faire signer cet appel à François Mauriac. Le Retour, et donc le désengagement officiel de Gide, n’est pas la première rupture, ni le premier récit de voyage contre l’URSS. Il marque cependant bien un certain tournant. 60. C’est la fin d’une certaine euphorie contagieuse qui régnait jusque là largement à l’égard de l’URSS. Une rupture qui s’inscrit, il est vrai, dans le contexte international des “procès de Moscou” et dans celui de la Guerre d’Espagne. Une rupture qui se situe aussi dans le contexte de divisions de plus en plus fortes au sein de la gauche française du Rassemblement populaire. Aussi est-il difficile d’en mesurer l’impact véritable. Pour les écrivains cependant, c’est aussi un tournant personnel. Gide retourne à la littérature se détachant ainsi de la politique. Pour Dabit, c’est évidemment plus difficile de trancher. Entre ce qu’affirme Gide et ce que révèle le journal intime, on a surtout l’image d’un homme pris entre le désarroi et l’angoisse. Sa position pacifiste semble dominer l’ensemble de sa réflexion… Mais… Pour Guilloux enfin, le voyage est l’un des méandres du cours complexe de l’histoire de ses rapports aux communistes et à l’URSS. Il marque un premier désengagement parisien qui lui permet de quitter un milieu littéraire où il ne se sentait sans doute pas totalement à l’aise, et de se délivrer temporairement de toute ambiguité sociale. Mais il ne marque pas une véritable rupture avec l’URSS et le communisme. Celle-ci devra attendre la Guerre froide. Dans tous les cas, le voyage reste bien un moment clé de l’itinéraire des écrivains philosoviétiques des années trente et un enjeu politique de premier ordre. A ce sujet Frédéric Sallée, Sur les chemins de terre brune Voyages en Allemagne nazie 1933‑1939, Fayard, 2017 ; Christophe Poupault, À l’ombre des faisceaux les voyages français dans l’Italie des chemises noires 1922-1943, Publications de l’École française de Rome, 2014 ; Alexandre Saintin, “Des intellectuels français à la rencontre du Duce et du Führer”, Vingtième siècle, Revue d’histoire, N° 1, 2017, p. 83-97 [↩]A ce titre on se permet de renvoyer notamment à Rachel Mazuy, Croire plutôt que voir. Le voyage français en Russie soviétique, Odile Jacob, 2002, 2014 pour l’édition électronique et à Studer Brigitte, Le voyage en et son retour » », Le Mouvement Social, 2003/4 no 205, p. 3-8. DOI URL [↩]Jean Pons 1901-1942. Professeur agrégé d’histoire. Militant communiste du Vaucluse puis au Maroc. Jean Pons, L’Éducation populaire en URSS, AUS, 1937 [↩]Sophie Coeuré, Rachel Mazuy, Cousu de fil rouge. Le Voyage des intellectuels en Union soviétique- 150 documents des archives soviétiques, Ed. du CNRS, 2013 [↩]J’estime à environ le nombre de Français en URSS séjournant entre 1917 et 1944. Mais ce nombre comprend ceux que j’ai appelé dans ma thèse des “voyageurs malgré eux”, notamment les prisonniers français des deux guerres. En dépit de l’augmentation du nombre de touristes dans les années trente, ce ne sont qu’un peu plus d’un millier de visas qui sont délivrés à des Français dans les années fastes”. Pour des chiffres plus détaillés de “ceux qui ont vu”, cf. Sophie Coeuré, Rachel Mazuy, Cousu de fil rouge, op. cit. [↩]Fred Kupferman, Au pays des soviets, Le voyage français en Union soviétique, Gallimard, 1979 [↩]L’expression vient de Panaït Istrati et date de 1927. [↩]On peut penser à l’appel signé entre autres par Anatole France ou Romain Rolland en 1917 [↩]Souvenirs de la Cour d’Assise, 1913 [↩]Eric Marty, [↩]Sur la construction du “romancier Louis Guilloux”, on peut lire l’ouvrage de Sylvie Golvet, Louis Guilloux. Devenir romancier, PUR, 2010 [↩]Sur cette figure de style utilisée par Guilloux après la guerre, on peut voir Alexandra Vasic, “Salido, Louis Guilloux et le parti rendre compte ou régler ses comptes. Une condamnation en sourdine”, in Jean-Baptiste Legavre, Louis Guilloux politique, PUR, 2016 [↩]L’Herbe d’oubli, Gallimard, 1984 [↩] A ce sujet voir les travaux de Jean-Charles Ambroise, notamment “Une trajectoire politique”, in Francine Dugast-Portes, Marc Gontard, Louis Guilloux écrivain, PUR, 2000. J’avais au début des années 1990 consulté le DEA de Jean-Charles Ambroise [↩] Le congrès international des écrivains s’ouvrent demain à Paris », Regards, 20 juin 1935 [↩]Guilloux subit d’abord assez tardivement le rejet des prolétariens et des populistes, non pas de manière individuelle, mais en tant que membre d’un groupe. En effet, sa langue est soignée, et les personnages sont davantage des artisans que des ouvriers, et on aurait sans doute un peu de mal à reconnaître en eux des hommes nouveaux sur le modèle soviétique [↩]Faubourgs de Paris, p. 74 [↩]Dans les écoles d’art et d’architecture, c’est un élève élu par ses condisciples pour les représenter et pour assurer diverses tâches, notamment gérer les finances communes de la classe ou de l’atelier. [↩]Christian Caillard, Béatrice Appia, Emile Sabouraud, Georges-André Klein, Maurice Loutreuil, Pinchus Krémègne ou Jean de Brunhoff qui a épousé Cécile Sabouraud, la fille de son ami Emile Sabouraud en 1924 [↩]Un Séjour [↩]Avant l’engagement à l’extrême-droite du périodique. [↩]Lettre à Roger Martin du Gard du 12 novembre 1935, Roger Martin du Gard, Correspondance générale. Tome VI, Gallimard, 1990 [↩]22 novembre 1932. Eugène Dabit, Journal Intime 1928-1936, Gallimard, 1989 [↩]En 1936, Gallimard, 1937 [↩]Cf le poème J’ai été soldat à 18 ans » [↩]27 septembre 1933 [↩]André Gide, Journal, Gallimard Pléiade, p. 1174 [↩]Ibid, p. 1140 [↩]27 juin 1932 et août 1933 [↩]Cf. Ibid, p. 1113 [↩]Ibid [↩]On peut citer la chronique d’Aragon dans Commune en septembre 1935 par exemple [↩]Nous n’avons cependant pas consulté la version intégrale déposée à la bibliothèque de Saint-Brieuc [↩]VOKS Société pour les relations culturelles avec l’étranger. Cf. Cousu de fil rouge…, op. cit., Documents 54 et 55 [↩]Cousu de fil rouge…, op. cit., document 54, lettre d’invitation d’Aleksandr Arosev à André Gide 1935 [↩]Selon l’expression de Michael David-Fox dans son article ” Stalinist Westernizer? Aleksandr Arosev’s Literary and Political Depictions of Europe”, Slavic Review, 2003 [↩]Sur Pierre Herbart, on peut lire la biographie de Jean-Luc Moreau, Pierre Herbart, L’orgueil du dépouillement, Grasset, 2014 [↩]Rachel Mazuy, “Pierre Herbart en URSS”, Revue Nord, N° spécial Pierre Herbart, N° 37, juin 2001, p. 17-23 [↩] André Gide — Jacques Schiffrin, Correspondance 1922-1950, Avant-propos d’André Schiffrin. Édition établie par Alban Cerisier, Collection Les Cahiers de la NRF », Gallimard, 2005. [↩]Sur Jef Last, on peut voir le documentaire “L’ami hollandais” de Pieter Jan Smit datant de 2005. [↩]Eugène Dabit, Journal intime, op. cit., janvier 1934 [↩]Carnets, op. cit., p. 125 [↩]Il n’y a pas d’archives soviétiques complètes sur ce voyage ni au GARF – VOKS, Intourist, ni au RGALI – Union des écrivains [↩]On peut en fait comparer leur voyage avec celui, assez proche de Jean-Richard et Marguerite Bloch, durant la fin de l’été 1934. Ils disposaient aussi d’un wagon aménagé [↩]Pierre Herbart, En 1936, Gallimard, 1937 [↩]Le procès dit du procès dit du Centre terroriste trotskyste-zinoviéviste » du 19 août 1936 au 24 août 1936, dans le cadre des procès de Moscou ». Il concerne des cadres dirigeants de la vieille garde bolchevique. [↩]Cousu de fil rouge, op. cit., préface de Sophie Coeuré [↩]Pierre Herbart, En 1936, Gallimard, 1937 [↩]Pour les deux paragraphes qui précédent Maria Van Rysselberghe, Les Cahiers de la Petite Dame. Notes pour l’histoire authentique d’André Gide, tome II 1929-1937, Collection Cahiers André Gide n° 5, Gallimard, 1975 [↩]En 1936 [↩]Journal, p. 67 [↩]Ce dont Guilloux s’indigne d’ailleurs dans ses carnets, car il s’agit de notes personnelles qui n’ont pas été retravaillées ! [↩] [↩]Jean-Charles Ambroise, Louis Guilloux et les années trente un auteur décalé ? », Louis Guilloux, homme de parole, Ville de Saint-Brieuc, 1999, p. 47. Pour un récit détaillé de cet engagement, cf. Christian Bougeard, Le parcours et les engagements de Louis Guilloux dans les enjeux de son temps 1930-1950 », in Francine Dugast-Portes, Marc Gontard dir., Louis Guilloux, écrivain, PUR, 2000, p. 31-46. [↩]RGALI Archives d’Etat de Russie de la littérature et de l’art 1347-3-86, Carte de vœux recto-verso, 18 décembre 1935. Envoyée à Boris Danilovitch Mikhaïlov 1895- ?, le correspondant en France de l’agence TASS et de la Pravda. [↩]Louis Guilloux, Eugène Dabit », Commune, octobre 1936. [↩]Pour le détail de ses liens, analysés à partir d’une correspondance déposée au RGALI, on se permet de reporter à Rachel Mazuy, Une histoire à méandres. Louis Guilloux et la presse communiste », in Jean-Baptiste Legavre, Louis Guilloux et la presse, PUR, à paraître [↩]Ibid [↩]Pravda, 11 janvier 1937 et Jean Pérus Ed., Correspondance Romain Rolland et Maxime Gorki, Cahier N° 28, Albin Michel, 1991 [↩]Sophie Coeuré, La Grande lueur à l’Est. Les Français et l’Union soviétique, Ed. du CNRS, 2017 [↩]
Les nazis ont utilisé le transport ferroviaire pour réorganiser la composition ethnique de l'Europe orientale dans le cadre de la Seconde guerre mondiale. En 1941, les dirigeants nazis décidèrent de mettre en oeuvre la "Solution finale", l'extermination massive et systématique des Juifs d'Europe. Les Allemands utilisèrent le réseau ferroviaire de l'ensemble du continent pour transporter et déporter les Juifs, principalement en Europe de l'est. Une fois que les nazis commencèrent les premières exterminations méthodiques de Juifs dans des centres de mise à mort construits spécialement à cette fin, ils y déportèrent les Juifs par voie ferrée ou, lorsque les trains n'étaient pas disponibles ou que les distances étaient courtes, par marche forcée ou par camions. LES RESPONSABLES COORDONNEENT LE TRANSPORT DE MASSE PAR TRAIN Lors de la Conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, qui se tint près de Berlin, les représentants des ministères, du parti nazi et de la SS se réunirent pour coordonner la déportation des Juifs européens dans les centres de mise à mort également appelés camps d'extermination déjà en fonctionnement ou en cours de construction en Pologne occupée par l'Allemagne. Les participants à cette conférence estimèrent que la "Solution finale" devait impliquer la déportation et l'extermination de 11 millions de Juifs, y compris ceux résidant dans des pays non contrôlés par l'Allemagne, comme l'Irlande, la Suède, la Turquie, ou la Grande Bretagne. Des déportations sur une telle échelle nécessitaient la coordination de nombreuses agences gouvernementales allemandes, principalement de l'Office central de sécurité du Reich RSHA, de l'Office principal de la Police d'ordre, du ministère des Transports et du ministère des Affaires étrangères. Le RSHA ou les dirigeants locaux de la SS et de la police coordonnaient et souvent dirigeaient les déportations. La Police de l'ordre, souvent renforcée par des auxiliaires ou des collaborateurs locaux dans les territoires occupés, raflait et transportait les Juifs vers les camps de mise à mort. En collaboration avec le département IV B 4 du RSHA commandé par le lieutenant colonel SS Adolf Eichmann, le ministère des Transports coordonnait les horaires des trains. Le ministère des Affaires étrangères négocia avec les partenaires de l'Axe de l'Allemagne la remise de leur citoyens Juifs. Les Allemands tentèrent de déguiser leurs intentions. Ils cherchèrent à présenter les déportations comme une "réinstallation" de la population juive dans des camps de travail à "l'est". En fait, la "réinstallation" à "l'est" devint un euphémisme pour les déportations vers les camps de mise à mort et les assassinats de masse. A l'INTERIEUR DES AUTORAILS Les Allemands utilisèrent à la fois des wagons de passagers et des wagons de marchandises pour les déportations. Les déportés ne recevaient en général ni eau ni nourriture pendant le voyage, même lorsqu'ils devaient attendre des journées entières sur des embranchements ferroviaires pour laisser passer d'autres trains. Entassés dans des wagons de marchandises scellés, les déportés enduraient une chaleur intense pendant l'été et des températures extrêmement basses en hiver. En-dehors d'un seau, il n'y avait aucune installation sanitaire. Les odeurs d'urine et d'excréments ajoutaient encore à l'humiliation et à la souffrance des déportés. Par manque de nourriture et d'eau, beaucoup mouraient avant d'arriver à destination. Les transports étaient accompagnés par des gardes de police armés ou des SS qui avaient ordre de tirer sur quinconque tentait de s'échapper. Entre décembre 1941 et juillet 1942, la SS et la police établirent cinq camps de mise à mort en Pologne occupée Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka 2 Treblinka 1 était un camp de travail forcé pour les Juifs et Auschwitz-Birkenau également connu sous le nom d'Auschwitz II. Les déportations vers les camps de mise à mort de Belzec, Sobibor et Treblinka furent conduites dans le cadre de l'action Reinhard et coordonnées par les autorités SS et de police du district de Lublin du Gouvernement général la partie de Pologne occupée non directement annexée à l'Allemagne. LES VICTIMES A Belzec, les principales victimes furent des Juifs du sud et du sud-est de la Pologne mais également des Juifs du Reich grand-allemand Allemagne, Autriche, les Sudètes et le Protectorat de Bohème Moravie déportés dans le district de Lublin entre octobre 1941 et la fin de l'été 1942. La plupart des Juifs déportés à Sobibor venaient du district de Lublin, mais les Allemands y déportèrent également des Juifs français et néerlandais au printemps et à l'été 1943, ainsi que des petits groupes de Juifs soviétiques des ghettos de Biélorussie et de Lituanie à la fin de l'été 1943. Les Juifs des districts de Varsovie et de Radom du Gouvernement général et du district administratif de Bialystok furent déportés à Treblinka 2 où ils furent tués. La plupart des habitants juifs du ghetto de Lodz ainsi que les Tsiganes et les Sintis survivants du ghetto furent déportés à Chelmno entre janvier 1942 et le printemps 1943, puis au début de l'été 1944. En 1943 et 1944, le camp de mise à mort d'Auschwitz-Birkenau joua un rôle significatif dans le plan allemand d'extermination des Juifs européens. Des trains arrivaient à Auschwitz-Birkenau pratiquement tous les jours, amenant des Juifs venant de pratiquement tous les pays d'Europe occupés par l'Allemagne — de la Norvège au nord jusqu'à l'île de Rhodes sur les côtes de Turquie au sud, des Pyrénées à l'ouest jusqu'aux frontières orientales de Pologne et aux Etats baltes. A Majdanek, un camp de concentration situé près de Lublin, des groupes ciblés de prisonniers juifs et non juifs furent gazés ou tués selon d'autres méthodes. Les Allemands tuèrent au moins trois millions de Juifs dans les cinq camps de mise à mort. EUROPE DE L'OUEST ET DU NORD Les Juifs d'Europe occidentale furent déportés via des camps de transit comme ceux de Drancy en France, de Westerbork aux Pays-Bas et de Malines Mechelen en Belgique. Sur environ 75 000 Juifs déportés de France, plus de 65 000 furent déportés de Drancy à Auschwitz-Birkenau. Les Allemands déportèrent plus de 100 000 Juifs des Pays-Bas, presque tous à partir de Westerbork environ 60 000 à Auschwitz et plus de 34 000 à Sobibor. Entre août 1942 et juillet 1944, 28 trains transportèrent plus de 25 000 déportés juifs de Belgique à Auschwitz-Birkenau via Malines Mechelen. A l'automne 1942, les Allemands arrêtèrent environ 770 Juifs norvégiens et les déportèrent par bateau et par train à Auschwitz. Une tentative de déportation des Juifs danois en septembre 1943 échoua lorsque la Résistance danoise, mise au courant de rafles imminentes, aida à la fuite massive des Juifs vers la Suède neutre. EUROPE DU SUD Les Allemands déportèrent aussi des Juifs de Grèce, d'Italie et de Croatie. Entre mars et août 1943, 40 000 Juifs furent déportés de Salonique, en Grèce septentrionale, à Auschwitz-Birkenau. La plupart furent gazés à leur arrivée. Après l'occupation de l'Italie du Nord par l'Allemagne en septembre 1943, 8 000 Juifs furent déportés, pour la plupart à Auschwitz-Birkenau. Sur la base d'un accord conclu entre l'Allemagne et la Croatie, son alliée au sein de l'Axe, environ 7 000 Juifs croates furent déportés à Auschwitz-Birkenau. Des unités militaires et de gendarmerie bulgares raflèrent et déportèrent environ 7 000 résidents juifs de Macédoine une région qui avait fait partie de la Yougoslavie, occupée par la Bulgarie via un camp de transit à Skopje. Les autorités bulgares concentrèrent environ 4 000 Juifs de Thrace, région grecque qu'elles occupaient, dans deux endroits en Bulgarie puis les remirent aux Allemands. Au total, la Bulgarie déporta plus de 11 000 Juifs vers les territoires contrôlés par l'Allemagne. La plupart d'entre eux furent envoyés à Treblinka 2 et gazés. EUROPE CENTRALE Les autorités allemandes commencèrent à déporter les Juifs du Reich grand-allemand en octobre 1941, alors que les camps de mise à mort n'étaient qu'au stade de la planification. Entre le 15 octobre 1941 et le 4 novembre 1941, près de 20 000 Juifs furent déportés dans le ghetto de Lodz. Entre le 8 novembre 1941 et octobre 1942, environ 49 000 Juifs furent déportés du Reich grand-allemand à Riga, Minsk, Kovno et Raasiku alors situées dans le commissariat du Reich d'Ostland région occupée par les Allemands qui regroupait les Pays baltes et la Biélorussie. La grande majorité des déportés furent tués à leur arrivée par les SS et la police. Entre mars et octobre 1942, 63 000 Juifs allemands, autrichiens et tchèques furent déportés dans le ghetto de Varsovie et à divers endroits dans le district de Lublin, dont les camps-ghettos de transit de Krasnystaw, d'Izbica et le camp de mise à mort de Sobibor. Les Juifs allemands qui résidaient dans les ghettos de Lodz et de Varsovie furent plus tard déportés avec les Juifs polonais à Chelmno, à Treblinka 2 et, en 1944, à Auschwitz-Birkenau. Le premier convoi de Juifs du Reich grand-allemand en provenance de Vienne et à destination directe d' Auschwitz arriva le 18 juillet 1942. De la fin octobre 1942 jusqu'en janvier 1945, plus de 71 000 Juifs qui restaient dans le Reich grand-allemand furent déportés à Auschwitz-Birkenau. Les Allemands déportèrent des Juifs âgés ou éminents d'Allemagne, d'Autriche, du Protectorat de Bohème Moravie et d'Europe orientale au ghetto de Theresienstadt, qui servit également de camp de transit pour les déportations plus à l'est, le plus souvent à Auschwitz-Birkenau. Entre mars 1942 et novembre 1943, environ 1 526 000 Juifs furent déportés par les SS et la police, pour la plupart en train, dans les camps de mise à mort de l'action Reinhard Belzec, Sobibor et Treblinka. Entre le 8 décembre 1941 et mars 1943, puis entre juin et juillet 1944, 156 000 Juifs et quelques milliers de Tsiganes et de Sinti furent déportés par train, par camion ou à pied au centre de mise à mort de Chelmno. Entre mars 1942 et décembre 1944, environ 1,1 million de Juifs ainsi que 23 000 Tsiganes et Sinti furent déportés, principalement par train, à Auschwitz-Birkenau. Moins de 500 Juifs survécurent aux camps de l'action Reinhard, seuls quelques-uns survécurent au camp de Chelmno. Peut-être jusqu'à 100 000 survécurent à la déportation à Auschwitz-Birkenau, tous parce qu'ils avaient été sélectionnés à leur arrivée pour le travail forcé.
camp de travail forcé en urss mots croisés